Contraception et avortement

Pour avoir de nombreuses années travaillé au sein du planning familial, menant des actions de préventions des risques sexuels auprès des jeunes en collège et lycée et recevant des femmes dans les centres de planification et d'orthogénie pour la contraception et l'accompagnement à l'avortement, après des foules d'articles et de textes de lois lus, d'analyses et d'essais sur le thème, de conférences et de colloques, d'autres professionnels rencontrés sur ces questions... je me dis que malgré toutes les avancées conquises aux prix de grandes luttes, et l'habitude d'avoir recours à ces moyens de contrôler son corps (donc sa vie), rien n'est gagné !

La contraception n'est pas toujours simple à se procurer pour une adolescente qui souhaite la confidentialité, lorsque celle-ci vit loin des villes où des dispositifs existent encore (un peu ?). La contraception continue parfois d'être chère et proposée à des personnes en difficultés qui ne savent pas (et à qui on ne dit pas...) qu'il existe des moyens remboursés et que la contraception ne devrait pas être une difficulté de plus (ou une marchandise comme une autre !).

On continue aussi à entendre beaucoup d'interdits ou une vision très négative renvoyée aux adolescents concernant leur sexualité... J'ai souvent remarqué que les filles à qui on a interdit la contraception (pensant que ça bloquerait le passage à l'acte) restent loyale à l'interdit, c'est à dire : elles ne prennent pas la pilule (loyauté) par contre elles ont des rapports (elles sont amoureuses !) et elles se retrouvent en situation d'avoir à penser à avorter ! (à qui la faute ?)

On continue aussi d'ignorer ou de donner une place moins importante dans tous les dispositifs de santé des adolescents à la parole des garçons et à leurs difficultés (aussi) à trouver des repères dans leur sexualité naissante, leur rapport à leur corps, à l'image caricaturale (aussi) que leur renvoie la société et parfois leur éducation...

Quant à l'avortement, son droit est sans cesse fragilisé, ici comme ailleurs (Espagne), où l'on ferme des centres, où les médecins impliqués sur ce droit fondamental des couples partent ou sont partis à la retraite, remplacés par des professionnels qui n'ont pas toujours conscience des luttes menées pour instaurer ce droit, de l'image qui en est encore véhiculée par les antis choix etc...

J'ai beaucoup (trop) entendu dans ma pratique de terrain des femmes qui avaient été jugées et culpabilisées dans leur choix de mettre un terme à leur grossesse, un parcours qui peut encore être difficile (le mois d'aout et les congés des professionnels de santé dans des zones déjà en tension).

Ce qui revient aussi (mais ça n'est que mon point de vue) : une femme à qui l'on permet de faire un choix d'arrêter sa grossesse en toute réflexion et conscience (donc à permettre à des associations dédiées et autres lieux spécifiques de pouvoir exister, mais c'est une autre question), cette femme ne sera pas traumatisée, ne fera pas de cauchemars, ne regrettera pas son geste !

Par contre la femme qui prend cette décision pour tout raison autre qu'elle-même, qui ne veut pas ou (plus souvent) ne peut pas s'écouter et agit par pressions extérieures quelles qu'elles soient, celle-ci peut rapporter des années plus tard ce souvenir comme une blessure importante et un regret.

Il est fondamental de permettre des lieux de parole pour toutes ces questions qui nécessitent du temps que le professionnel de santé n'a pas toujours, il est fondamental de maintenir cette loi et de la consolider, non pas pour y avoir plus recours (je n'ai jamais vu en 10 ans d'exercice une femme ou une adolescente aller avorter en riant !), mais pour permettre aux femmes de ne pas culpabiliser, car la culpabilité n'a jamais permis un meilleur recours à la contraception ! Par contre une meilleure estime de soi et une vie digne, OUI.

Je pense que personne n'aime l'avortement, personne n'a envie d'avorter, par contre permettre aux femmes et aux couples ce choix, dans les meilleures conditions possibles, tout en permettant un accès plus grand (et gratuit) à tous les moyens de contraception, sont, il me semble, les symboles de sociétés intelligentes et réalistes.

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